Le réanimateur au cœur du débat sociétal sur la fin de vie, trois ans après la loi Claeys-Leonetti
The intensivist at the heart of the end-of-life social debate, three years after the Claeys-Leonetti act
1
Médecine intensive-réanimation, CHU de Bordeaux, F-33000 Bordeaux, France
2
Médecine intensive-réanimation, CHU de Saint-Étienne, avenue Albert-Raimond, F-42270 Saint-Priest-en-Jarez, France
3
Service de réanimation polyvalente, hôpital Purpan, CHU de Toulouse, TSA 40031, F-31059 Toulouse, France
* e-mail : alexandre.boyer@chu-bordeaux.fr
Reçu :
8
Février
2019
Accepté :
24
Juin
2019
La loi Claeys-Leonetti a trois ans. Elle consacre la sédation profonde et continue jusqu’au décès dans certaines circonstances, elle rend contraignantes les directives anticipées pour le corps médical, et elle établit un vrai contrat de confiance entre le patient et sa personne de confiance. Dans un contexte de méconnaissance de cette loi, un sentiment de « mal mourir » persiste. Notamment, le choix d’un terme de pronostic vital engagé à quelques heures ou jours est perçu comme trop restrictif pour certains patients souffrant psychiquement ou physiquement dans les suites d’une maladie aiguë ou chronique. L’arrêt de la nutrition et de l’hydratation pose également des problèmes d’interprétation qui mériteraient d’être précisés. Cela conduit à une demande d’évolution législative vers l’euthanasie ou l’assistance au suicide. Une telle évolution, déjà pratiquée au Benelux depuis presque 20 ans non sans que le débat y persiste, doit être bien soupesée pour éviter les pièges d’une conception utilitariste de la vie. Mais elle doit aussi être posée en regard de la demande croissante d’autonomie qui ne constitue qu’une réponse logique et respectable aux progrès vertigineux de la médecine. Les priorités actuelles sont, d’une part, d’informer et de discuter des possibilités données par la loi actuelle et, d’autre part, de mettre en œuvre une politique globale diminuant les situations où le sentiment d’indignité de la fin de vie est prégnant. Les équipes de réanimation, par les conséquences proches comme plus lointaines de leur décision, sont et doivent rester au cœur de cette réflexion.
Abstract
The Claeys-Leonetti act has been voted three years ago. It introduces “deep continuous sedation until death” in specific conditions, gives patients’ advance directives a compelling status for medical doctors, and institutes an official mutual trust between the patient and his/her designated representative. This act remains partially ignored and therefore low quality of the end of life is still reported. Particularly, the decision to define short-term vital prognosis to few hours or days has been perceived as too restrictive for some patients who suffer from chronic or acute diseases with longer but ineluctable prognosis. Also, nutrition/hydration termination as part of the end of life process remains diversely interpreted. As a whole, these limits fuel a persisting call for a new law in which euthanasia and medically assisted suicide could be included. This was also expected since autonomy which now represents a central ethical value that can be viewed as a response to the rapid progress of modern medicine. This call for a new act must however be weighed against potential consequences of a societal utilitarian turn. Indeed, although both euthanasia and assisted suicide have been instituted in Benelux for the last 20 years, this is still debated there. The priorities are to inform about the potential of the current law as well as to develop a global policy to decrease sensations of disgraceful end of life. Intensive care teams must remain central in the construction of this new policy, as their decision in the end of life process impact patients’ short and long-term prognosis.
Mots clés : Fin de vie / Euthanasie / Suicide assisté / Sédation / Directives anticipées
Key words: End-of-life care / Euthanasia / Assisted suicide / Deep sedation / Advance directives
© SRLF et Lavoisier SAS 2019