Urgences dermatologiques en réanimation : infections nécrosantes de la peau et des parties molles et toxidermies graves
Dermatological Emergencies in the Intensive Care Unit: Necrotizing Skin and Soft Tissue Infections and Severe Cutaneous Adverse Reactions
1
Service de réanimation médicale, hôpitaux universitaires Henri-Mondor–Albert-Chenevier, Assistance publique–Hôpitaux de Paris (AP–HP), F-94010 Créteil, France
2
Groupe de recherche clinique CARMAS, faculté de médecine de Créteil, université Paris-Est-Créteil, F-94010 Créteil, France
3
Service de dermatologie, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, hôpitaux universitaires Henri-Mondor, DHU A-TVB, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, F-94010 Créteil, France
4
Centre national de référence maladie rare, dermatoses bulleuses toxiques Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Service de dermatologie, hôpitaux universitaires Henri-Mondor, DHU A-TVB, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, F-94010 Créteil, France
5
Service de chirurgie plastique et reconstructrice, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, hôpitaux universitaires Henri-Mondor, DHU A-TVB, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, F-94010 Créteil, France
* e-mail : nicolas.de-prost@aphp.fr
Reçu :
19
Mai
2018
Accepté :
18
Juillet
2018
Les urgences dermatologiques nécessitant une admission en réanimation sont rares mais associées à une mortalité élevée et à de lourdes séquelles à long terme. Elles sont essentiellement représentées par les infections nécrosantes des tissus mous (également appelées : dermohypodermites bactériennes nécrosantes-fasciites nécrosantes [DHBN-FN]) et par les toxidermies graves que sont les nécrolyses épidermiques (comprenant le syndrome de Lyell ou nécrolyse épidermique toxique [NET], le syndrome de Stevens-Johnson [SJS] et le DRESS (drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms)). Elles ont pour caractéristiques communes un diagnostic souvent difficile, la nécessité d’une approche multidisciplinaire et de soins paramédicaux lourds et spécifiques, imposant fréquemment le transfert dans un centre expert. Le traitement des DHBN-FN est médicochirurgical, associant un débridement chirurgical précoce et une antibiothérapie probabiliste à large spectre. La présence de signes de gravité locaux (nécrose, crépitation, douleur intense) ou généraux (sepsis, choc septique) est une indication d’urgence à l’exploration chirurgicale. Sa précocité est le principal facteur pronostique modifiable, les recommandations de thérapeutiques complémentaires (immunoglobulines intraveineuses, oxygénothérapie hyperbare, pansement à pressions négatives, ...) reposant à ce jour sur un faible niveau de preuve. L’élément essentiel de la prise en charge des toxidermies graves est la recherche et l’arrêt du médicament imputable, facteur essentiel du pronostic. Le SJS et le NET, en général associés à une ou plusieurs atteintes muqueuses, entraînent dans les formes les plus graves une défaillance cutanée aiguë. La prise en charge repose sur les soins de support (correction des troubles hydroélectrolytiques, prévention de l’hypothermie, prévention et traitement des épisodes infectieux, analgésie et anxiolyse, soins locaux). Les complications infectieuses et respiratoires sont les principales causes de décès à la phase aiguë. Aucun traitement spécifique n’a fait la preuve de son efficacité à ce jour. Le diagnostic de DRESS est difficile, et la prise en charge doit être multidisciplinaire. Sa gravité tient aux possibles atteintes viscérales associées (hépatique, rénale et cardiaque) qui justifient dans les formes graves d’une corticothérapie urgente.
Abstract
Dermatological emergencies are a rare cause of intensive care unit admission but are associated with a high mortality rate and a high risk of long-term sequelae for survivors. They predominantly consist of necrotizing soft tissue infections (NSTI) and severe cutaneous adverse reactions (SCARs), including toxic epidermal necrolysis (TEN), Stevens-Johnson syndrome (SJS) and the drug reaction with symptoms (DRESS) syndrome. These diseases are often difficult to diagnose and require a pluridisciplinary approach together with heavy and specific nurse care, frequently leading to transfer to expert centers. NSTI management during the early phase combines a surgical debridement of all infected tissues and the prompt initiation of a broad-spectrum empiric antibiotherapy. Presence of severity signs whether local (necrosis, crepitations, intense pain) or general (sepsis/septic shock) should prompt urgent surgical exploration. It’s readiness is the main modifiable prognostic factor, guidelines on adjunctive therapies (intravenous immunoglobulins, hyperbaric oxygen, negative pressure wound dressings, ...) being to date based on weak evidence. The key initial step of SCARs management is the identification and removal of all culprit drugs. TEN management is mainly supportive and includes the correction of dehydration and associated metabolic disorders, hypothermia prevention, prevention and treatment of infections, analgesia, anxiolysis and skin care. Infectious and respiratory complications are the main cause of death during the acute phase. No specific treatment has proven its efficacy. The diagnosis of DRESS syndrome may be difficult and its management should involve a multidisciplinary team, depending on the clinical presentation. Severity is related to possible organ involvement (cardiac, hepatic, and renal). Treatment of the most severe forms relies on immunosuppression (systemic corticosteroids).
Mots clés : Toxidermie / Infection nécrosante de la peau et des parties molles / Fasciite nécrosante / Nécrolyse épidermique / Syndrome de Lyell / DRESS / Réanimation
Key words: Severe cutaneous adverse reactions / Necrotizing skin and soft tissue infections / Epidermal necrolysis / DRESS / Intensive care / Necrotizing fasciitis
© SRLF et Lavoisier SAS 2018