Médecin
L’immunodépression post-traumatique : de la physiopathologie au traitement*
Post-Traumatic Immunodepression : From Pathophyiology to Treatment
CHU de Nantes, service d’anesthésie réanimation, hôpital Hôtel-dieu, 1 place Alexis Ricordeau, F-44093 Nantes cedex 1
a e-mail : karim.asehnoune@chu-nantes.fr
Reçu :
29
Décembre
2014
Accepté :
2
Janvier
2015
Le polytraumatisme s’accompagne d’un syndrome de réponse inflammatoire systémique (SRIS) causé par la libération de composants intracellulaires nommés dangerassociated molecular patterns (DAMP). Ces DAMP vont directement stimuler des récepteurs spécifiques, les pattern recognition receptors, présents sur les cellules de l’immunité, entraînant le relargage de médiateurs de l’inflammation. Pour éviter les complications systémiques d’un SRIS non contrôlé, l’organisme développe précocement une réponse anti-inflammatoire systémique compensatrice (CARS). Le CARS entraîne une immunodépression post-traumatique, de durée et d’amplitude variable. Cette immunodépression est « physiologique » au départ et présente chez tous les patients. L’immunodépression devient pathologique si elle perdure, entraînant alors des infections post-traumatiques (pneumopathies essentiellement) qui sont la première cause de complications en réanimation. Sans que l’on sache exactement pourquoi, certains patients ont une récupération immunologique très rapide qui les protège des complications. Un monitorage immunologique pourrait donc permettre de cibler les patients qui récupèrent plus lentement et qui sont susceptibles de bénéficier d’un traitement immunomodulateur. À l’heure actuelle, la diminution de l’expression membranaire monocytaire de HLA-DR est le meilleur marqueur pour prédire la survenue d’infections secondaires. Différents traitements stimulant l’immunité (GM-CSF, interféron-γ, glucans, immunoglobulines) ont été évalués chez l’homme sans monitorage immunologique, avec des résultats variables. L’hydrocortisone a montré des effets bénéfiques probablement en diminuant l’amplitude du SRIS. L’évaluation de nouveaux traitements immunostimulants, fondés sur les données physiopathologiques et un monitorage immunologique (HLA-DR notamment) maintenant disponible dans la plupart des centres, devrait permettre dans le futur de modifier le devenir des patients traumatisés.
Abstract
Severe multiple trauma is accompanied by a systemic inflammatory response syndrome (SIRS) caused by a massive release of intracellular components called dangerassociated molecular patterns (DAMP). These DAMP will directly stimulate specific receptors present at the surface of immune cells, called pattern recognition receptors. The activation of these receptors will induce the release of inflammatory mediators. In an attempt to avoid systemic complications of uncontrolled SIRS, the body develops a systemic compensatory anti-inflammatory response syndrome (CARS). CARS induces a post-traumatic immunodepression with a variable duration and amplitude. This immunodepression is physiological, and present in all patients. When immunodepression lasts too long, it becomes pathological, inducing secondary infections (pneumonia mainly), which are the leading cause of complications in ICU. For unknown reasons, some patients will have a rapid immunological recovery, protecting theme from complications. Adequate immunological monitoring could therefore identify patients who recover more slowly and are likely to benefit from an immunomodulatory treatment. At present, the decreased monocytic membrane expression of HLA-DR is the best marker for predicting the occurrence of secondary infections. Several drugs stimulating immunity (GM-CSF, interferon-γ, glucans, immunoglobulins) have been evaluated in patients without immunological monitoring with varying results. Hydrocortisone showed beneficial effects probably by decreasing the amplitude of SIRS. The evaluation of new immune-stimulating treatment, based on pathophysiological data and immunological monitoring (including HLA-DR) now available in most centers, could deeply modify the outcome of severe trauma patients.
Mots clés : Polytraumatisés / Immunodépression / Infections / Pneumopathies / HLA-DR / Inflammation
Key words: Severe trauma / Immunodepression / Infection / Pneumonia / HLA-DR / Inflammation
© SRLF et Lavoisier SAS 2015