Infectieux
Déficit énergétique aigu et infections acquises en réanimation
Acute Energy Deficit and ICU-Acquired Infections
1
Université Paris-Descartes, Sorbonne-Paris-Cité, F-75006 Paris, France
2
Laboratoire de pharmacologie respiratoire UPRES EA220, hôpital Foch, 11, rue Guillaume-Lenoir, F-92150 Suresnes, France
3
Laboratoire de recherche moléculaire sur les antibiotiques, UMRS 1138, Centre de Recherche des Cordeliers, F-75006 Paris, France
* e-mail : christophe.faisy@wanadoo.fr
Reçu :
28
Novembre
2015
Accepté :
17
Février
2016
Les conséquences de la dénutrition protéinoénergétique chronique sur l'immunité et la survenue d'infections sont connues depuis plus d'un siècle. En revanche, l'impact du déficit énergétique aigu sur les infections acquises en réanimation demeure encore largement méconnu. En effet, le déficit énergétique se constitue précocement en réanimation, notamment chez les malades les plus graves, et semble associé aux infections acquises, en particulier à Staphylococcus aureus, lorsqu'il dépasse le seuil de 8 000−10 000 kcal cumulées. Il existe des interactions entre la régulation des gènes de virulence de certains pathogènes, comme S. aureus et la disponibilité en substrats chez l'hôte. Il est possible que la dénutrition protéinoénergétique aiguë réalise un véritable « stress nutritionnel » chez les patients de réanimation avec pour conséquence la mise en jeu de ces mécanismes chez certains pathogènes comme S. aureus. Les limites des méthodes permettant le calcul du bilan énergétique en réanimation suggèrent qu'il est raisonnable de limiter plus que de combler le déficit énergétique (risque de surnutrition). Le développement d’outils cliniques d’évaluation de la composition corporelle, en particulier l’estimation de la masse cellulaire active, permettrait de valider la pertinence du concept d’apport énergétique optimal pour limiter les complications infectieuses chez le malade réanimé.
Abstract
The relationship between chronic protein-energy malnutrition and impaired immune response or infections was identified one century ago. However, the impact of acute energy deficit on the intensive care unit (ICU)-acquired infections remains largely unknown. Indeed, energy deficit results in an early energy gap during the first week of ICU stay, which is never overcome thereafter, especially in the most severely ill patients. Moreover, cumulated energy deficit buildup during the first days of ICU stay and exceeding 8,000−10,000 kcal seems to be an independent factor contributing to complications, especially Staphylococcus aureus infections. Over the past few years, interest has grown in trying to understand the regulation of virulence determinants by host-nutrient availability in many pathogens, such as S. aureus. Recent findings suggest that energy deficit acts as a real “nutritional stress” in critically ill patients and involves these host–pathogen interactions, especially with S. aureus. Limitations of methods assessing energy balance in the ICU suggest it is more reasonable to limit rather than to fill the energy deficit in critically ill patients. The further development of clinical tools for assessing body composition, especially body cell mass, could help to determine how acute energy deficit facilitates the predisposition to ICU-acquired infections.
Mots clés : Déficit énergétique / Infections / Nutrition / Réanimation / Staphylococcus aureus / Masse cellulaire active
Key words: Energy deficit / Infections / Nutrition / Intensive care / Staphylococcus aureus / Body cell mass
© SRLF et Lavoisier SAS 2016